Le casse tête de la semaine est quasiment une invitation à la philosophie. Qu'est-ce que la chance? Une envie de ce que les autres ont et pas nous, une opportunité à saisir, une superstition ou un instant de bonheur?
J'aime la voir comme un moment magique, un instant privilégié, le temps passé avec ceux que j'aime, les rencontres qui ont marqué ma vie. J'aimerais en évoquer une, avec un personnage à la fois impressionnant et très simple : Raymond Aubrac.
Le contexte est déjà particulier puisqu'il s'agit du baptême d'une promotion d'étudiants (Lucie Aubrac) dans un lieu mystique : Cluny.
M. Aubrac est arrivé, un
homme de plus de 90 ans, pas très grand, fumant la pipe.
Compte tenu de son passé, il est déjà impressionnant. Son nom suffit à évoquer la Résistance, le combat pour des valeurs essentielles telles que la liberté ou la dignité. C'est un homme de convictions qui s'engage et témoigne.
Son passé de résistant est généralement très connu, notamment grâce au cinéma qui ne lui donne toutefois sans doute pas toute son envergure, le plaçant souvent en second plan derrière Lucie.
Il me semble cependant que s'il est difficile de parler d'un des époux sans évoquer l'autre, leur relation a été plus équilibrée, avec aussi une sorte de symbiose, un amour et un respect mutuel qui se ressent encore dans certains propos de Raymond, dans sa fidélité à la mémoire de Lucie et dans ce prolongement de la transmission.
Il n'est pas besoin de beaucoup d'empathie pour percevoir la force bouleversante de cette relation et l'intégrité de Raymond. C'est peut-être cette sincérité qui a conduit Ho Chi Minh a privilégier la demeure des Aubrac à l'hôtel lorsqu'il se rendait en France.
Ce choix ouvre une nouvelle perspective sur Raymond Aubrac, dont l'activité ne s'est pas achevée avec la guerre. Commissaire de la République à Marseille en 1944, il y rétablit l'ordre de la Républqiue avant de rejoindre le ministère de la reconstruction où, en qualité d'inspecteur général, il s'occupe du déminage.
Raymond fonde sa société d'étude, puis travaille comme conseiller
technique au Maroc, comme directeur à la FAO (Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture)... Il oeuvre aussi pour la reconnaissance du Viêt Nam.
Cet homme est aujourd'hui encore fidèle à toutes les valeurs qu'il partageait avec Lucie et qui ont guidé ses actions. Il porte un regard lucide sur le monde qui l'entoure, transmet à qui veut bien la recevoir une certaine conception de la vie où le verbe résister prend tout son sens, d'autant plus qu'il se conjugue à tous les temps...
Un très grand Monsieur et une grande chance...