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24 février 2023 5 24 /02 /février /2023 16:50
Des mots d'Ukraine

Le 24 février 2022, la Russie lançait une offensive sur l'Ukraine, une attaque qui a jeté 15 millions de personnes sur les routes.

Dès les premiers jours, des écrivains ukrainiens ont été sollicités. 14 ont répondu, en exil, en Ukraine, voire depuis le front.

Quelques mois plus tard, ce recueil de textes était publié.

Il s'agissait à l'origine de décrire un lieu, pour que malgré la guerre, malgré l'habitude russe de renommer les lieux conquis, la géographie et l'identité ukrainiennes demeurent.

Les textes sont nostalgiques ou un brin ironiques, évoquant la maison perdue, le décalage parfois entre ceux qui sont restés et ceux qui sont partis, très souvent la nature, des lieux naguère un peu perdus, aux confins de l'Ukraine, désormais très peuplés car offrant une proximité avec une frontière : partir sans vraiment quitter son pays, sauf en cas de nécessité.

Il y a la guerre aussi, et cet émoi provoqué chez les soldats par la présence d'une femme. Il y a l'Ukraine, cosmopolite, à la fois si semblable et si différente d'un texte à l'autre, les souvenirs, les animaux perdus.

Un bel hommage à un pays si cher à chacun des écrivains.

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6 février 2023 1 06 /02 /février /2023 10:12
Portrait au vitriol de la France au début des années 1950

Le silence et la colère est le dernier opus de Pierre Lemaître. On y retrouve les personnages du Grand Monde (la famille Pelletier), auxquels s'ajoutent quelques portraits bien sentis, dont l'ingénieur Destouches, le gérant Guénot, l'inspecteur Palmiari et le docteur Marelle.

Ces derniers portraits rythment les trois sujets majeurs que Pierre Lemaître a retenu pour évoquer l'année 1952.

Louis et Angèle vivent toujours à Beyrouth, théâtre de quelques histoires autour de la boxe. Mais l'essentiel se joue en France métropolitaine.

L'après-guerre est, en effet, le temps des grands projets, des ingénieurs, des grands barrages et des villages engloutis.

C'est aussi l'époque où apparaissent les magasins style Tati, ou plutôt Dixie dans le roman, qui proposent des articles à petits prix, où les clientes peuvent elles-même fouiller dans les bacs pour y trouver leur bonheur.

Mais c'est également l'époque où la chasse aux faiseuses d'ange et médecins avorteurs reprend de plus belle, les femmes n'ayant pas encore le droit de disposer de leur corps.

Une période à la fois moderne et conservatrice où évoluent Jean, toujours flanqué de sa mégère et sujet aux mêmes pulsions meurtrières, François qui progresse au journal tout en s'interrogeant fortement sur sa relation avec la très secrète Nine, et Hélène bien sûr, désormais journaliste, qui couvre la disparition annoncé du village tout en se débattant face à une grossesse imprévue.

La petite Colette enfin, permet d'évoquer la maltraitance, sur laquelle chacun hésite encore à mettre des mots.

Un regard lucide sur une époque et un roman à rebondissements qui ne manquera pas de ravir les amateurs de Pierre Lemaître et sans doute bien d'autres lecteurs.

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4 novembre 2022 5 04 /11 /novembre /2022 13:19
Joie féroce ou pulsion de vie?

Découvert sous la forme d'un texte lu, Une joie féroce annonce par son titre qu'il va bousculer son auditeur ou lecteur. Le pari est tenu.

Sorj Chalandon y évoque pourtant un thème douloureux, celui de la maladie, le cancer. Il sera l'élément moteur de toute l'intrigue.

Il est celui qui unit les quatre héroïnes. Jeanne, Brigitte, Issia et Milena se rencontrent en effet en chimiothérapie. Ce sont quatre femmes auxquelles la vie n'a pas vraiment fait de cadeau. Jeanne par exemple, Jeanne Pardon dont l'appelle ses compagnes, est une libraire, timide, qui a perdu son fils et dont le mari est surtout préoccupé par lui-même, dégoûté aussi par la maladie.

Le cancer peut donc être ce qui détruit les couples. Il accélère les ruptures, les transformations. Tout change soudain et ce que l'on supportait patiemment hier devient aujourd'hui intolérable.

La relativité entre en jeu. Il y a l'essentiel, et tout le reste. Il y a aussi ce qui fait avancer, rend audacieux, insolent peut-être... Et toujours ce lien, qui n'est jamais un long fleuve tranquille, entre quatre femmes.

Une joie féroce est une ode à la vie, un mouvement puissant avec et face à la maladie, une histoire entraînante, lancinante aussi, la vie avec ses bas et ses hauts qui n'en sont que plus denses, magiques.

 

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13 octobre 2022 4 13 /10 /octobre /2022 10:43

New York 1887, une jeune femme est internée à l'asile de Blackwell, pour avoir proféré des propos incohérents, après un jugement expéditif et sans réel examen médical.

Elle y restera 10 jours, le temps de recueillir divers témoignages d'autres femmes internées ou de leur famille, de constater aussi les conditions insalubres d'accueil des pensionnaires (absence de chauffage, nourriture avariée...) et les traitements auxquels elles sont soumises (douches glacées...), les abus de pouvoir des infirmières et le désintérêt des médecins.

Elle révèle ensuite dans le New York World, alors dirigé par Joseph Pullitzer, ce qu'elle a vécu, et comment des femmes parfaitement saines se retrouvent, d'une façon qui n'a rien d'exceptionnel, enfermées dans cet endroit, parce qu'un fiancé ou un mari n'en veut plus, que ses enfants ne savent plus quoi en faire...

Nellie Bly, puisque tel est le nom de cette journaliste, décrit ainsi la triste condition des femmes en cette fin du 19ème siècle. Son article fait scandale et modifie les conditions d'accueil de ces asiles, sans doute également en partie leurs conditions d'admission...

Virginie Ollagnier et Carole Maurel ont choisi de présenter en images cet épisode du très riche parcours de Nellie Bly, qui a fortement contribué à développer le journalisme d'investigation, des usines au milieu des narco-trafiquants. Et l'histoire ne Nelly Bly ne faisait que commencer...

Une femme peu ordinaire, dont le podcast de radio France dresse également un portait très vivant:

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/il-etait-une-femme/nellie-bly-la-pionniere-du-reportage-clandestin-3459617

 

Dans l'antre de la folie
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6 septembre 2022 2 06 /09 /septembre /2022 11:57
Pourquoi s'engager dans la résistance?

De longues années se sont écoulées depuis cet engagement dont Madeleine Riffaud retrace l'origine.

Plus exactement, c'est à partir de son témoignage que Jean-David Morvan écrit l'histoire de la Résistance, que Dominique Bertail met en images.

Ce premier tome, intitulé la rose dégoupillée, revient sur les premières années de Madeleine, sa personnalité, l'exode de 1940 et l'humiliation, ou plutôt les humiliations qui forgent son désir d'entrer dans la Résistance.

Est-ce l'usage du bleu comme seule couleur de la BD? Toujours est-il que l'on ressent une atmosphère lourde, celle de l'occupation, une inquiétude sourde à l'évocation des cousins ou amis d'Oradour-sur-Glane, ou de ce curé chef du réseau qui prêche la résistance face à l'envahisseur.

La mort est tapie, toujours prête à surgir, comme pour ces enfants qui jouent avec un obus de la première guerre mondiale...

Un beau début, qui laisse imaginer les dangers à venir et donne envie de découvrir la suite du récit.

Pourquoi s'engager dans la résistance?
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11 mai 2022 3 11 /05 /mai /2022 21:48
Ar-Men : un bel hommage aux gardiens du phare et à ses bâtisseurs

Il est situé en mer d'Iroise, à l'extrême ouest de la Bretagne, à l'extrémité de la chaussée de Sein, où tant de bateaux se sont fracassés.

Un lieu extrême, un rocher puis un frêle bâtiment face aux tempêtes, une lumière pour protéger des vies,... Autant d'éléments qui ne pouvaient qu'inspirer Emmanuel Lepage, après plusieurs albums dont le sujet est encore plus lointain, à l'exemple de l'Antarctique (https://writings2.over-blog.com/2016/06/voyage-en-antarctique-la-lune-est-blanche.html).

Ar-Men : un bel hommage aux gardiens du phare et à ses bâtisseurs

En 90 planches de dessins, Emmanuel Lepage retrace, en jouant sur les époques et les légendes bretonnes, l'histoire de ce phare légendaire, aujourd'hui automatique, mais toujours battu par les vents, frêle esquif qui menace d'être englouti, à l'image de la légendaire Ys.

Ar-Men : un bel hommage aux gardiens du phare et à ses bâtisseurs

Tout y est : les naufrages, qui améliorent malgré tout le rude quotidien des habitants, le Bag Noz, terrible bateau fantôme qui glisse sur la chaussée.

Ar-Men : un bel hommage aux gardiens du phare et à ses bâtisseurs
Ar-Men : un bel hommage aux gardiens du phare et à ses bâtisseurs

Puis cette folle idée de construire un phare, les oppositions, les difficultés de réalisation sur des morceaux de roches régulièrement submergées, le béton qui ne tient pas, les ingénieurs qui se succèdent, usés par ce combat contre les éléments.

Le feu aussi : la lumière du phare qui s'éclaire pour la première fois en 1881, un feu sacré, entretenu, protégé, ritualisé, mais aussi l'incendie de 1923.

La mer, son immensité, ses colères, reste le personnage central, mais il y a aussi les hommes, les bâtisseurs, souvent des hommes des environs, et les gardiens, seuls face à l'immensité, prêtres de ce feu sacré, avec leurs blessures, leurs histoires, les mythes qui les accompagnent et se transmettent dans le temps, jusqu'en 1990 quand les derniers gardiens quittent l'enfer des enfers, désormais automatisé.

Le résultat est superbe, un très bel hommage au phare, aux hommes qui l'ont construit et entretenu, à la Bretagne sans doute plus largement.

Ar-Men : un bel hommage aux gardiens du phare et à ses bâtisseurs
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10 mars 2022 4 10 /03 /mars /2022 19:22

Depuis "Au revoir là haut", Pierre Lemaître nous a fait voyager sur toute la première partie du XXème siècle.

La deuxième guerre mondiale est terminée, mais l'histoire se poursuit et si elle commence dans le roman à Beyrouth, Paris et l'Indochine française en constituent des scènes de choix.

L'histoire est celle de la famille Pelletier, des parents installés à Beyrouth qui ont fait fortune dans la fabrique de savon, et quatre enfants, trois garçons et une fille, qui tous cherchent à sortir du giron familial.

Les personnages sont conformes à ces portraits hauts en couleurs, surprenants et terriblement humains que l'auteur aime brosser, avec leurs folies, leurs désirs, leurs failles.

Après un premier passage cruel qui se déroule en Indochine, dont découlera la suite d'une partie de l'histoire, la vie petite bourgeoise de Beyrouth semble un peu fade. Mais c'est oublier le talent de narrateur de Pierre Lemaître, et les multiples rebondissements de l'histoire, entre la France de l'après-guerre et une Indochine corrompue, où les derniers Français tentent d'oublier au Grand Monde l'avancée du Vietminh.

Bien sûr, ce roman tisse un lien avec les trois précédents romans, notamment "Au revoir là-haut", que je vous laisse le soin de découvrir.

Pierre Lemaitre et la France de l'Indochine
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17 février 2022 4 17 /02 /février /2022 18:55
Babel revisitée par Eric Emmanuel Schmitt

Avec la traversée des temps, Eric Emmanuel Schmitt raconte l'histoire de l'humanité, à partir de changements majeurs des modes de vie tels que la sédentarisation des populations, l'édification des villes...

Ce projet comprend huit tomes, dont deux ont été publiés à ce jour : Paradis perdus et La porte du ciel.

Le premier tome permettait de faire la connaissance de trois protagonistes : Noam, Noura et Derek, devenus immortels "par accident". Ils constituent le fil conducteur des différents moments de cette histoire de l'humanité, sur lesquels ils peuvent porter un regard critique.

Après le peuple du lac et le déluge (Paradis perdus), voici venu le temps de l'urbanisation, d'une rupture avec la nature, mais aussi de l'esclavage et de tous les excès, dont un exemple est la tour de Babel, conçue pour être la porte du ciel.

Mais peut-être n'est-ce que la raison invoquée pour bâtir cette tour, justifier un chantier monumental, préparer son effondrement?

Ce serait un anachronisme d'évoquer l'hubris, cette démesure humaine immanquablement punie par les Dieux.

Eric-Emmanuel Schmitt respecte le sens de l'histoire. Mais son talent de conteur nous emporte très loin dans cette Mésopotamie qui fut un des berceaux de notre civilisation, nous fait découvrir des personnages surprenants, réinterprète la Bible.

Le résultat est surprenant, envoûtant, et le lecteur se surprend à attend le troisième tome dont l'histoire devrait se dérouler en Egypte au temps des pharaons.

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25 octobre 2021 1 25 /10 /octobre /2021 21:39
Les Curie, des femmes de convictions

Diplomate et écrivain, Claudine Monteil fait revivre en quelques 300 pages Marie Curie et ses deux filles : Irène et Eve.

Tout commence en Pologne à la fin du XIXème siècle. Marie perd très tôt une de ses sœurs et sa mère, mais elle bénéficie d'un père hors norme qui lui donne, ainsi qu'à sa sœur Bronia, une éducation complète, très éloignée à l'époque de celle réservée habituellement aux filles.

Bronia part la première en France réaliser des études de médecine, pendant que Marie travaille pour essayer de l'aider à payer ses études. Puis elle la rejoint et commence alors l'aventure de la science, la découverte du radium, la rencontre avec Pierre, le prix Nobel commun, l'enseignement à une époque où les femmes peinent à être reconnues. Puis après la mort de l'être aimé, elle poursuit les travaux menés ensemble, reprend l'enseignement que dispensait Pierre à la Sorbonne, élève ses filles, et obtient un nouveau prix Nobel, de chimie cette fois.

Suit le scandale de sa courte liaison avec Paul Langevin, puis son engagement pendant la première guerre où elle met en place une organisation de voitures équipées de matériel radiographique pour aider les chirurgiens à mieux soigner les innombrables blessés, bientôt secondée par l'aînée de ses filles, Irène.

Marie, une femme courageuse et généreuse, qui a créé un institut pour soigner les malades, n'a jamais déposé de brevets pour ses inventions, considérant que le progrès devait bénéficier à tous. Pour financer ses travaux et le radium, qui coûte une petite fortune, et sur l'initiative d'une journaliste Missy Meloney, elle part avec ses filles collecter des fonds aux Etats Unis.

 

Les Curie, des femmes de convictions

Marie est déjà très malade et ses filles la suppléent quand cela est nécessaire. Irène travaille avec elle depuis longtemps et continue de le faire à leur retour, reprenant peu à peu la direction de l'institut avec Frédéric Joliot, avant même que Marie s'éteigne en 1934. Irène est alors déjà une scientifique accomplie, qui partage l'exigence d'excellence de sa mère.

Un an plus tard, elle reçoit le prix Nobel avant de rejoindre en 1936 le gouvernement de Léon Blum, où elle défend le droit à l'éducation des filles autant que l'enseignement et la recherche scientifiques. Elle estime le soutien du gouvernement aux républicains espagnols trop faible et quitte le gouvernement, au motif de la maladie qui la ronge à son tour. Elle continuera toutefois à défendre l'institut du radium, en France et en Pologne, à œuvrer avec Frédéric à dissimuler certains travaux et matériaux (l'eau lourde par exemple) aux Allemands, participera après guerre à la création du Commissariat à l'Energie Atomique. Son mandat n'est pas renouvelé, car on l'estime trop proche des communistes, mais elle continue ses travaux avant de s'éteindre en 1954.

Les Curie, des femmes de convictions
Les Curie, des femmes de convictions

Eve, la cadette, s'est alors éloignée de sa sœur. C'est la seule de la famille a ne pas avoir d'appétence particulière pour la science. Plus mondaine que sa mère et sa sœur, elle envisage une carrière de pianiste, sans le succès escompté, et se découvre douée dans l'écriture. Elle rédige une biographie de sa mère, puis s'oriente vers le journalisme et la diplomatie. C'est une femme libre, qui se lie naturellement avec Colette.

Elle est à Londres avec le général De Gaulle, essaie d'inciter la famille Roosevelt à faire entrer les Etats-Unis en guerre du côté des alliés, puis est envoyée sur de nombreux terrains d'opérations dans le monde entier où elle écrit tant des reportages que des compte rendus au profit de l'Angleterre. Puis elle intervient dans la création de l'OTAN, avant de se marier à l'âge de 50 ans avec un diplomate américain, qu'elle seconde. Eve s'éteindra à 103 ans.

Les Curie, des femmes de convictions

Trois destins peu communs de femmes engagées et une biographie passionnante.

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26 septembre 2021 7 26 /09 /septembre /2021 21:15
Le pays des autres : celui d'Amine, de Mathilde, des colons?

Après la conclusion épouvantable de Chanson douce, j'ai un peu hésité à me plonger dans un nouveau roman de Leïla Slimani. Je me suis pourtant à nouveau laissé envoûtée par le pays des autres. 

L'histoire est d'abord celle de Mathilde, une jeune Alsacienne qui s'est éprise d'un Marocain, Amine, au moment de la Libération en 1944, l'a épousé et qui part vivre dans son pays.

Elle découvre ce pays par ses couleurs, ses odeurs, ses bruits. Puis peu à peu se dévoile toute la complexité des personnages, de ce pays à la veille de la décolonisation, dont les habitants sont un peu dépossédés par les colons qui ne leur vouent que mépris, mais qui apprennent aussi, parfois brutalement, que ce pays n'est pas non plus tout à fait le leur.

Amine a combattu pour la France, épousé une Française, eu des enfants avec elle. Mathilde est un souffle de liberté pour Selma, la jeune sœur, alors qu'Omar, le cadet, s'engage pour la libération de son pays. Certains contextes donnent une complexité nouvelle aux relations au sein d'une famille, d'un village, d'un pays, aux contradictions de chacun également.

Leïla Slimani sait apporter la nuance nécessaire, ces petites touches de couleurs et d'humanité qui portent ce roman, juste assez pour nous laisser sur notre faim et attendre la suite de ce qui est annoncé comme une trilogie,

 

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