Un titre surprennant pour un roman qui ne l'est pas moins... Référence au Cantique des cantiques (ici représenté dans une toile de Gustave Moreau)? A la sauvagerie des
hommes? A une certaine image de l'Afrique? A la Femme? Sans doute tout cela et un peu plus dans un Bénin moderne, où règne misère et corruption, où la révolte répond à la violence (parfois avec
les mêmes armes) mais où l'amour reste présent, espoir présent et à venir.
L'histoire
Le cantique des cannibales a pour cadre le Bénin, celui de Cotonou, mais aussi celui des terres plus reculées, où la montagne est présente, où il est peut-être aussi possible d'échapper
aux travers d'une société contemporaine... D'être soi.
L'histoire est celle de Gloh, dont le personnage serait inspiré de Phoolan Devi, la "reine des bandits" indienne. Gloh a dirigé une bande de hors la loi, volant les riches pour redistribuer aux
pauvres. Le roman commence toutefois sur sa capture, avec un amalgame de mots qui fait frémir. Ce n'est pas une femme qui tente de fuir, c'est une femelle qu'on est prêt à abattre. La chasse est
ouverte et la force règne...
Après quelques années d'emprisonnement, Gloh doit choisir entre la prison et la liberté, à condition toutefois de servir la campagne du Président, candidat à sa succession, dans les territoires
populaires où elle régnait.
Bien entendu, Gloh choisit la liberté mais elle s'enfuit avec son amant, le policier qui l'a arrêté naguère et qui s'est rapproché d'elle petit à petit alors qu'elle était en captivité...
Il s'agit à la fois d'une histoire d'amour, d'un hymne à la terre et à ses valeurs, et d'une critique féroce contre un régime qui s'affiche sous les habits respectueux de la démocratie sans
rien n'avoir de respectable.
Florent Couao Zotti
Florent Couao Zotti est un écrivain d'aujourd'hui, sans doute une des plus grandes plumes de l'Afrique à l'heure actuelle.
A la fois journaliste et enseignant, il a vécu en divers pays d'Afrique avant de retourner dans son Bénin natal. A partir de la fin des années 1990, il publie son premier roman, Notre pain de
chaque nuit, l'histoire d'une prostituée de Cotonou qui tue le client qui la malmenait, ce client étant par ailleurs sénateur...
D'autres oeuvres suivront dont l'homme dit fou et la mauvaise foi des hommes, la diseuse de mal-espérance, la sirène qui embrassait les étoiles. La liste est loin
d'être exhaustive, d'autant que Florent Couao Zotti ne se limite pas à un genre littéraire. Le théâtre notamment joue un rôle important dans son oeuvre, peut-être parce que cette dernière n'est
que le reflet du jeu de la société, avec ses personnages qui sont à la fois hauts en couleurs et laissés pour compte
Impressions
Dès les premières pages, le cantique des cannibales surprend et dérange. Le langage employé contribue à cette impression dans la description de l'arrestation de Gloh, présentée
comme une chasse à la "femelle". La sensualité est omniprésente, le verbe cru, la langue gouailleuse, avec des expressions qui n'appartiennent qu'à Florent Couao Zotti.
Le dépaysement est bien au rendez-vous, mais c'est avec un certain plaisir que le lecteur suit les aventures de Gloh, ses amours, ses périples, dans une société qui survit, emplie de vie et
pourtant "cadrée" par un gouvernement corrompu. La satire politique est très appuyée et peut parfois lasser, mais la force du récit l'emporte.
Un auteur et un livre à découvrir.