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24 septembre 2020 4 24 /09 /septembre /2020 12:09
Peindre la vie ou l'illusion de la vie.

Dans Réparer les vivants, Maylis de Kerangal nous livrait un style tranchant comme un scalpel, précis, froid pour laisser un peu de distance avec un sujet difficile : la transplantation d'organes et son corollaire : la mort d'un individu en bonne santé, ici un jeune homme.

L'univers d'un monde à portée de la main est totalement différent. La vie en déborde, même si quelques pages évoquent l'attentat de Charlie Hebdo, qui sont centrées sur l'immense émotion suscitée. Mais ce n'est pas le thème central, loin de là.

L'histoire est celle d'une jeune femme, Paula. Elle a choisit de suivre la formation d'un célèbre institut de décoration à Bruxelles (qui existe réellement) pour y apprendre à y représenter le bois, le marbre et tout autre matériau noble ou moins noble mais présent dans tout ce qui habille maisons, studios de cinéma et autres lieux.

C'est une période exigeante car il ne s'agit pas simplement de reproduire, mais de sentir la matière, de se l'approprier. Le rythme est soutenu, épuisant mais la description de cette période d'intense créativité est l'occasion de  beaux passages, à l'exemple de cette représentation d'écaille de tortue, sujet de l'oeuvre réalisée pour son diplôme par Paula et que ses parents découvrent : " placés pour la première fois devant la part inconnue de leur fille, sidérés de ce qu'elle a produit, cette image radiante impossible à décrire, cette surface qui tient du galet de rivière, de la plante sous-marine et du reptile, et l'idée d'aller poser la main pour sentir la carapace les traverse ensemble"...

Cette période de formation est partagée avec d'autres peintres et des relations particulières se créent, avec Jonas, avec Kate.

Et puis, une fois ce stade de transformation achevé, la vie se poursuit, avec des petits chantiers, puis la réalisation de décors de cinéma à Cinecitta, à Moscou, pour parvenir enfin à la reconstitution de la grotte de Lascaux, un rendez-vous avec des artistes de la préhistoire, un moment très fort encore dans une vie à la fois précaire et incertaine, mais aussi tellement riche et intense.

Un beau portrait dressé à petites touches, avec 1001 nuances de couleurs, de matières et juste la distance adéquate pour s'imprégner de cette vie, la percevoir dans toute sa force et sa subtilité, tout en restant spectateur.

 

 

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